Le phénomène des applications religieuses à l'heure du numérique
De nos jours, il existe des applications pour à peu près tout et n'importe quoi. On peut en effet aussi bien commander de la nourriture que faire des rencontres coquines. Traditionnellement, les Eglises sont perçues comme des ennemies de la modernité et tout le monde garde en tête la position des principales religions sur certaines transformations sociales ayant eu lieu dans le monde occidental. Les applications religieuses permettent depuis pas mal d'années aux croyants de vivre différemment leur foi. Petit tour des enjeux pas tant religieux mais communautaire derrière ces applications.
Avant de commencer, nous ne voulons pas rentrer dans les polémiques qui entourent la place des religions dans l'espace public en France. Ni faire un quelconque prosélytisme. Personne n'est en mesure de juger qui que ce soit sur ses orientations religieuses. Par contre, le phénomène des applications religieuses demeure un fait de société qui mérite toute notre attention. Il s'agit quoiqu'en en dise d'un sujet tech comme un autre au regard du volume des données partagées, de la place accordée à ces produits par les développeurs et du degré d'innovation technologique déployé tant par les Eglises comme par les croyants.
Commençons tout d'abord par une question de définition. Le terme "Eglise" provient du mot grec "ekklesia" et signifie "assemblée des croyants". Les Eglises sont donc avant tout une communauté religieuse dont les membres partagent une croyance partagée. Le lien entre ces membres est par conséquent tout aussi important que le lieu où se réunissent les personnes pour vivre leur foi.
L'enjeu communautaire correspond ici à au défi posé par la modernité qui empêche de maintenir des liens étroits entre les membres d'un même groupe social (les Eglises sont avant tout un groupe social). Les Eglises ont non seulement besoins des églises, des mosquées ou des synagogues mais également d'outils pour transmettre un sentiment d'appartenance et des preuves que les personnes ne se détournent pas de la communauté (pour la foi c'est autre chose, car ce type de vérification correspond à une époque révolue, du moins en France).
Où interviennent donc les applications religieuses ? Elles interviennent justement dans l'un des espaces que nous considérons comme le plus "sacré" (excusez-moi du terme si vous êtes choqué): notre vie privé. Un petit tour des applications religieuses suffit pour vérifier que l'on ne parle pas tant ici de religions, mais plutôt de communautés religieuses au sens large du terme.
Que ce soit des prières, des extraits de la Bible, le calcul des horaires de prières pour le Ramadan ou l'heure du début de Shabbat voire la liste des interdits alimentaires, toutes les indications fournies jouent sur un double tableau : tout d'abord, accompagner les personnes dans leurs démarches individuelles et ensuite, renforcer le sentiment que l'on n'est pas seul dans sa foi. Une dualité entre le "Je" et le "nous" qui reprend en somme l'une des principales préoccupations anthropologiques de l'être humain.
Il est tout à fait intéressant d'observer comment des Eglises qui critiquent ouvertement la modernité en reprennent tous les codes. Au-delà du paradoxe, il faut retenir que les outils numériques ont fini par remplacer les interactions normalisés du siècle dernier. En préparant cet article par exemple, j'ai été surpris de voir que l'on pouvait donner de l'argent pour la quête en ligne sans avoir à aller à l'église le dimanche. Au regard de l'importance qu'accordent les églises avec un "e" majuscule aux rîtes et aux cérémonies, ce type d'initiative m'a paru à bien des égards surprenante mais également une pratique de notre temps.
Finalement, le non-présence physique à des évènements est entrain de devenir la règle dans nos interactions sociales au point que participer à distance a fait triompher le pragmatisme sur le dogme. Le mot d'ordre est devenu "vaut mieux participer à distance que ne pas participer du tout".
Ce type de cas montre l'énorme capacité d'adaptation des Eglises aux nouvelles technologies. L'exemple des cérémonies religieuses en ligne en demeure le parfait exemple. Les religions ont ainsi accepté l'énorme pouvoir de séduction du numérique sur les êtres humains en permanence tiraillés entre leur dualité entre le "Je" et le "Nous".
Les applications interviennent dès lors comme un vecteur de lien social et de transmission. Elles agissent comme une sorte de "matérialisation numérique" du besoin des croyants d'être à la fois au coeur de la communauté et dans leur individualité. En cela, celles-ci ne différent guère des autres applications qui cherchent à créer des synergies entre leurs membres autour de thèmes en commun. On peut même penser que le numérique n'a pas déplacé les réflexes sociaux primaires mais les a simplement modernisés. A une différence près tout de même, les applications ne peuvent pas pour des questions légales renforcer la stigmatisation des membres des autres communautés. Sur ce terrain, il y aurait beaucoup à dire sur ce qui se passe au contraire sur les réseaux sociaux.
Que peut-on conclure sur le phénomème si complexe des applications religieuses ? Tout d'abord, ce type d'application est souvent moqué dans les médias tech. Pourtant, les croyants sont des consommateurs de smartphones, de PC ou de e-Bikes comme les autres. Par ailleurs, il est important de rappeler qu'elles sont à la pointe de l'innovation du fait de leur pouvoir économique et du nombre de fidèles dans le monde.
Religion ou pas, elles utilisent les codes actuels des médias numériques et elles s'inscrivent dans leur époque. Elles parlent le langage du 21 ème siècle et poursuivent leur objectif dans le sillage des prêches religieuses qui demandent aux croyants de diffuser la "bonne parole" (c'est la définition originelle du terme "évangile"). Un bon exemple pour finir me semble être l'application chrétienne Follow JC Go. Celle-ci emprunte les codes du jeu à succès Pokémon Go pour inciter les utilisateurs à se familiariser avec les personnages de la Bible. Une fille de son temps en quelque sorte. Pâques arrive ainsi que le Ramadan. Confinement oblige, nous allons voir fleurir de nouvelles propositions intéressantes pour les croyants.
Et vous, que pensez-vous du phénomène des applications religieuses ? Laissez-nous votre commentaire ci-dessous.
La "science" au secours de la calotte ! On aura tout vu. Galilée doit s'en retourner dans sa tombe !
"Traditionnellement, les Églises sont perçues comme des ennemies de la modernité..."
et un peu plus loin :
"Avant de commencer, nous ne voulons pas rentrer dans les polémiques qui entourent la place des religions dans l'espace public en France."
On l'a échappé belle 😉
Heureusement qu'il y a le "sont perçues" sinon on y avait droit... perso, je l'aurai mis en majuscule car certains risquent de lire ce qui les arrangent...
Mais globalement, je reconnais sans aucun problème la qualité de l'article sur un sujet ô combien délicat à traiter.
Et pour répondre globalement à la question, je crois au contraire d'une grande majorité que la religion catholique est un relais de la modernité même si beaucoup de ses "ouailles" n'ont pas forcément l'étiquette progressiste "catho de gauche". C'est même cette religion qui a permis la sortie de la religion... pour ses éléments les plus éclairés, évidemment.
La modernité étant une notion beaucoup détournée de son sens d'origine par ceux qui souhaitent la défendre ardemment (petit clin d'oeil à quelqu'un) un peu comparable au marxistes avec Marx ou aux freudiens avec Freud, ah ! les continuateurs...
Et comme je suis méfiant, je précise que j'ai été élevé par mes parents dans cette religion mais qu'il y a bien longtemps que je m'en suis écarté.
Quelques petits rappels malgré tout, Darwin était pasteur (même si c'était pour bénéficier d'un maximum de temps pour ses recherches) l'abbé Lemaître a joué un rôle important dans la théorie de la genèse de l'univers. Je pourrais rajouter que la science d'un Avicenne ou d'un Averroès ne sont plus discutée que par les gens de mauvaise... foi !
Ou parler de scientifiques juifs et croyants comme Einstein et de bien d'autres même s'ils sont minoritaires.
Avicenne(Ibn Sina)et Averroès(Ibn Rochd) étaient musulmans.
C'est bien pour cela que j'en parle.
A cette époque, de toute façon, ils n'avaient guère le choix... Tout le monde ne s'appelait pas Spinoza !
Heureusement nous avons également l'abbé Grégoire (mais aussi à la même époque Sieyès..... pas tout à fait similaire).
PS: Einstein n'était pas vraiment croyant (et pas politiquement sioniste). Sa phrase de Dieu qui ne joue pas aux dés dans sa querelle avec Bohr a été largement interprétée.