Dans les coulisses de Samsung : vers de profonds changements (Partie 2)
Les entreprises asiatiques sont particulièrement circonspectes lorsqu’il s’agit de communiquer avec des interlocuteurs externes. A vrai dire, il leur plairait de ne communiquer que ce qu’un chef d’entreprise aimerait lire lui-même dans la presse. Ni plus ni moins. Un peu comme le FC Bayern Munich en ce moment — et ça je peux le dire, étant fan de longue date (mais peut-être bientôt plus) du FCB. C’est pourquoi Samsung m’a surpris lors de ce voyage, du moins la plupart du temps, parce qu’ils ont tenté une nouvelle transparence dont j’ignorais jusqu’ici l’existence.
Notre visite guidée chez Samsung commence — symboliquement — au Samsung Innovation Museum, abrégé en SIM. Ce nom qui fait tout de suite penser aux smartphones n’est certainement pas le fruit du hasard. Après tout, d’ici la fin de la visite nous aurons vu quelques semi-conducteurs ainsi que de nombreux smartphones.
Je dois avouer que lorsque je tiens en main l’imprimé du programme pour la première fois et que je l’étudie encore une fois rentré chez moi, à Berlin, je bloque immédiatement sur le SIM. « Oh mon dieu, un lavage de cerveau sous forme de visite guidée » me suis-je dit. Pour moi, c’est typique de l’entreprise qui va nous raconter, à mes collègues et moi, combien elle est unique. Et aussi, bien sûr comme ses produits à elle sont géniaux et bien pensés. Généralement, genre de manipulation intervient systématiquement avant une conférence de presse — probablement dans l’espoir de nous conditionner, nous autres journalistes, à n’avoir que des louanges pour l’entreprise dans les jours qui suivent.
Mais c’est exactement ça qui me provoque de l’urticaire. Je refuse de me laisser influencer, et je compte bien rester en mesure de rapporter mes impressions tout à fait librement. C’est presque symbolique que ce rendez-vous m’ait finalement surpris lors du restant du voyage.
Et au commencement était la lumière. Ou presque, c’était l’électricité.
Le SIM commence sa chronologie des innovations avec la découverte de l’électricité. Dans des pavillons spécialement construits avec des formes organiques nous regardons une vidéo courte mais éloquente qui montre comment les gens ont découvert le courant et l’ont ensuite utilisé.
C’est ainsi que nous passons d’un pavillon à l’autre pour découvrir une nouvelle étape à chaque fois. L’invention de la radio et de la télé. Nous en voyons les effets sur les gens et sur la société — industrialisation, croissance économique. Très bien — même en fermant les yeux sur les conséquences négatives de cette croissance, on comprend très facilement pourquoi les découvertes présentées furent d’une importance capitale pour l’ensemble de l’humanité, et le sont encore.
A côté de ça, j’ai été étonné de constater que Samsung n’a joué aucun rôle dans tous ces films et toutes ces présentations — mais après tout ils n’auraient pas pu ; l’entreprise n’existait même pas à l’époque. Bien au contraire, on peut considérer cette exposition comme un hommage aux pionniers, car de nombreuses entreprises et pièces qui y sont évoquées sont clairement des concurrents de Samsung ; Siemens, Miele, Bosch, Philips et même Sony.
Les innovations de Samsung au premier plan
Bien entendu, il y avait aussi quelques créations de Samsung à voir, en particulier du côté des écrans. On remarque que la Corée du Sud est particulièrement fière de ses réalisations en matière de technologie d’affichage, et elle a de quoi.
Samsung a énormément participé au développement de la technologie OLED. Et je dois avouer que l’évolution des écrans me touche tout particulièrement. Je me rappelle encore certaines pièces dans l’exposition. Par exemple le téléviseur de Sony, qui aurait très bien pu être celui de notre maison, à l’époque. Je me souviens encore à quel point j’ai trouvé l’image géniale, dans les années 90, lorsque l’écran du le salon de mes parents s’est allumé pour la première fois. En regardant le nouvel écran incurvé de Samsung juste à côté, on constate ce que 20 ans de développement technologique signifient ; ce qui était auparavant à la pointe du progrès sera presque obsolète demain.
Samsung est maintenant présent sur presque tous les fronts. Qu’il s’agisse d’écrans, de semi-conducteurs, de batteries ou de mémoires, il n’est presque rien que Samsung ne produise pas eux-mêmes. Ce n’est pas pour rien que l’entreprise est l’un des plus grands groupes électroniques au monde, si ce n’est le plus grand.
Les innovations sont souvent des évolutions. Samsung recherche visiblement le premier — et semble avoir quelques codes à son arc
La différence entre évolution est innovation est subtile — surtout lorsqu’on veut impressionner, ce que Samsung essaie de le faire, et on ne peut évidemment pas leur en vouloir. Néanmoins, durant ces trois jours de visite, il m’est difficile de reconnaître les innovations en tant que telles. Un écran plus grand ou des coins arrondis sont sans doute une véritable avancée aux yeux des développeurs, mais pour moi ce n’est qu’une évolution.
Alors je pose la question : les smartphones sont-ils encore capables d’innover ? Comme un moulin à prières, j’obtiens la même réponse de la part de quasiment tous les interlocuteurs que j’ai pu croiser durant notre voyage : « Nous écoutons nos clients et nous évoluons selon leurs souhaits. » Oh, allez, les gars, soyons honnêtes ! « Bon, d’accord. Ça commence à être difficile, aujourd’hui. La concurrence s’est intensifiée et les consommateurs ne considèrent plus vraiment ce que nous sortons comme des innovations. Ça nous demande, à nous et à nos ingénieurs, des efforts colossaux. » Ce que j’entends de la bouche d’un employé en dehors des dates officielles me semble bien plus honnête et plus proche de la vérité. Et je peux tout à fait concevoir une telle chose.
Que Samsung travaille sur des innovations pour l’avenir et que ce ne n’est qu’une question de temps avant que nous découvrions tout ça, je n’en doute plus après ce voyage. Et c’est exactement ce dont on va parler dans la troisième partie de « Inside Samsung » que vous pourrez lire demain à 20h.
« Bon, d’accord. Ça commence à être difficile, aujourd’hui. La concurrence s’est intensifiée et les consommateurs ne considèrent plus vraiment ce que nous sortons comme des innovations. Ça nous demande, à nous et à nos ingénieurs, des efforts colossaux. »
Je veux bien tout entendre, mais quand on sait le nombre colossal d'ingénieurs qui travaillent chez Samsung et qui sont les meilleurs au monde, on se demande comment font leurs concurrents pour sortir des smartphones plus innovants. Quand je vois un Vivo Nex S, un ZTE Nubia X, ou un Oppo Find X, je me demande pourquoi ce ne sont pas des produits Samsung. Lorsque je regarde la gamme Samsung, je me demande où sont passés les "efforts colossaux" d'innovation... Ils tournent à la tisane chez Samsung, quand leurs concurrents tournent au Red Bull. Le résultat se voit dans l'assiette, le plat Samsung ne donne pas très envie de passer à table.
"Quand je vois un Vivo Nex S, un ZTE Nubia X, ou un Oppo Find X, je me demande pourquoi ce ne sont pas des produits Samsung."
Ça ressemble à de l'innovation pour l'instant mais :
- à l'heure actuelle, on a aucun recul sur ces "smartphones à moteur". Vont il tenir les années ? Vont il s'encrasser et cesser de fonctionner correctement ? Personne ne peut l'affirmer.
- si demain, Samsung (ou tout autre constructeur) sort un écran transparent ne nécessitant plus d'encoche ou de moteur, ces "innovations" seront oubliées instantanément.
Et la dernière supposition (complètement théorique) :
Et si Samsung avait gardé ses meilleures innovations pour les 10 ans de la gamme Galaxy ? Pas impossible puisque cette stratégie a fonctionné pour Apple.
En tout cas, si pour cette occasion, Samsung sortait un Galaxy S complètement borderless, avec capteurs et objectifs sous l'écran, il rendrait toutes les encoches et autres APN coulissants instantanément obsolètes.