Messagerie gratuite, sécurisée et non intrusive : Un univers à construire
Choisir un email respectueux de la vie privée est devenu un sujet très important pour les familles et au-delà. L'enjeu peut sembler anodin mais c'est tout le contraire. Cela pose les limites entre la vie publique et la vie privée. Cela touche également au fondement même de l'intimité des personnes. Mais ce n'est pas uniquement une question de l'amélioration de la sécurité des données privées des personnes. C'est revenir au principe que l'on a le choix de choisir librement sa messagerie alors même que l'on est aveugle du fait du quasi monopole des géants du net. Des alternatives à Gmail et autres existent. Encore faut-il non seulement les connaître mais également en comprendre les revendications et limitations opérationnelles.
Sommaire
- La problématique de la traçabilité de nos emails en ligne
- La riposte
- Un exemple militant Made in France : Mailo
- Changer la boîte aux lettres ne suffit pas
La problématique de la traçabilité de nos emails
Il existe des sites internet, des groupes sur Facebook ou des ONG qui mettent en avant les enjeux de la vie privée liés aux emails. Toutes leurs études concordent sur le fait que nous pouvons être surveillés grâce à des programmes tels que PRISM aux Etats-Unis ou les facilités offertes par les lois de renseignement adoptés en France dans le contexte de la lutte contre la menace terroriste. Vous pouvez de ce fait être pontentiellement ciblés si votre boîte email est hébergé dans un pays qui autorise la surveillance de masse.
Cela ne veut pas forcément dire que vous êtes vraiment surveillés par des algorithmes. Personne ne conteste non plus l'utilité du renseignement dans le contexte des risques d'attentats. La question qui se pose est plutôt pourquoi nous encourageons la traçabilité de manière consciente ou inconsciente en confiant la gestion de nos emails à des plateformes dont nous savons pertinemment qu'elles se livrent à des pratiques d'échanges de données. En 2020, personne ne peut en effet croire que les services de messagerie ne transfèrent pas des informations en tant filiales d'énormes multinationales.
La réponse à cette question est au coeur du problème de la traçabilité, mais également de la principale difficulté des services de messagerie électronique qui proposent une meilleure protection des données, des sauvegardes de sécurité quotidienne, pas de commerce de données ou encore un stockage sur des serveurs sécurisés. Le transfert d'informations est le fondement même du mode de fonctionnement de ce type de service. Bien évidemment, celui-ci se traduit la plupart du temps par de la publicité ciblée, mais le problème est plus profond. Il touche à la gestion interne d'un système de stockage et d'échanges de emails qui ne peut survivre sans un rattachement à des systèmes de gestion de métadonnées beaucoup plus larges.
En somme, la survie à long terme d'un service de messagerie tient dans sa capacité à transférer des métadonnées à des centrales de stockage, sans quoi le système est ingérable techniquement. Le problème des publicités n'est finalement que la matérialisation d'échanges qui font vivre un système de stockage.
Or, le problème pour les entreprises de messagerie est qu'elles ne peuvent pas toutes contrôler tant de données car elles n'ont pas le capital humain, technologique et financier nécessaire. Plus concrètement, la traçabilité existe que parce que des entreprises comme Google contrôle Gmail et l'utilise comme une grosse base de données à des fins publicitaires en rétribution des activités de stockage. Cette contrainte technique explique par conséquent pourquoi des messageries comme Gmail sont autant subordonnées aux intérets du géant du net. La question se pose bien évidemment également pour les réseaux sociaux.
La riposte
Beaucoup d'entreprises de messagerie insitent qu'il faut échapper à la surveillance de masse. Elles mettent dès lors en avant comme principal argument que leurs serveurs sont hébergés localement dans des pays qui respectent le droit à la liberté privée. Voici une courte liste de propositions européennes :
- ProtonMail : Société suisse qui offre une formule gratuite et plusieurs formules payantes (5 euros à 30 euros par mois.
- Tutanota : Fournisseur allemand qui offre des emails chiffrés gratuitement et une formule complète pour 1 euro par mois
- Mailfence : Messagerie belge qui promet une protection totale contre la NSA et PRISM gratuitement. Cette offre a une version payante et une à partir de 2,50 euros par mois
- Posteo : Fournisseur indépendant allemand avec 100 % d'énergie verte fournie par Greenpeace et coûte 1 euro par mois
- Mailbox : Proposition basée en Allemagne dont les serveurs fonctionnent à 100% d'énergie renouvelable. Le service coûte 1 euro et 2,50 euros par mois
- Disroot : Logiciel open-source basé aux Pays-Bas. Le service est entièrement gratuit et il est financé grâce aux dons récurrents sur sa page Patreon.
- Soverin : Entreprise basée à Amsterdam qui propose des boîtes mail sécurisés. Sans publicités ni traqueur, le service coûte 3,25 euros par mois.
Un exemple militant Made in France : Mailo
Il n'est pas du tout surprenant d'entendre de vives critiques contre la position dominante occupée par les GAFA sur le marché du numérique. Certaines propositions novatrices comme par exemple Mailo partent de ce constat et insiste sur la nécessité de proposer une autre alternative aux utilisateurs. Dans les mots de son co-fondateur, Pascal Voyat, il s'agit d'une "position militante" qui se traduit par des efforts considérables dans la mise en place d'une offre respectueuse de la privacité des utilisateurs. Poussée par cette vocation, la firme Mailo entend séduire des utilisateurs en France et au-delà dans une recherche d'équilibre et de respect de la vie privée des individus. Dans le prolongement de sa charte, le service de messagerie français soutenu par le réseau French Tech propose une alternative différente à Gmail.
L'entreprise Mailo est certes une nouvelle starp-up, mais elle tire ses racines de plus de 20 ans d'expérience dans le numérique français. On peut même dire qu'elle est issue des services de messagerie instantannés qui ont été balayés par l'arrivée soudaine et incontrôlée de Gmail dans nos vies quotidiennes. Sans tomber dans le patriotisme économique, elle fait partie de cette longue liste de pépinières françaises (la liste est longue, croyez-moi) qui ont été laissées sur le côté du fait de l'avènement des GAFA et de la migration des utilisateurs. Boosté par la prise de conscience des dérives du quasi-monopole dans l'univers du numérique, ce type d'entreprise se retrouve à la tête d'un mouvement qui entend rendre davantage d'autonomie et de liberté aux usagers. Son pari : permettre aux utilisateurs de reprendre la main sur la sécurité de leurs données et leur permettre d'adhérer à une charte.
Outre son engagement de respecter la vie privée, l'entreprise propose un service gratuit avec bannières publicitaires pour 1 Go de stockage pour vos mails, et 500 Mo de stockage pour vos documents et photos. Suivant cette logique, Mailo propose un service d'emails sécurisés Junior qui souhaite devenir la messagerie de référence spécialement conçue pour les enfants de 6 à 14 ans. Avec Mailo, les parents pourront s'impliquer dans l'éducation numérique de leurs enfants et mieux encadrer l'envoi ou réception de mails en gérant un service sécurisé. Il existe à ce titre un service pour les écoles qui semble prometteur et qui est testé par des enseignants à titre expérimental.
Changer la boîte aux lettres ne suffit pas
Les efforts réalisés (militants ou pas) pour apporter une plus grande diversité dans l'offre des emails sont une bonne chose en soi. Les consommateurs gagnent toujours dès lors qu'ils peuvent choisir selon la palette la plus large possible et pas uniquement en fonction de ce qui est imposé par le matraquage marketing. Suivant cette logique, ouvrir un compte Gmail est une évidence pour beaucoup d'utilisateurs car ils sentent qu'ils n'ont pas d'autres choix. Mais est-ce uniquement une question de marketing ou d'impact inconscient de termes quotidiens tels que "googler" par exemple ? La réponse est évidemment toute trouvée si on pense à quelqu'un qui utilise tout le temps Google sur son PC ou sur son smartphone. Il est fort à parier que cette personne va utiliser Gmail comme messagerie par commodité et réflexe.
Maintenant si on regarde de plus près, ce n'est pas de Gmail dont on parle mais du système d'exploitation. Que ce soit macOS, Android ou Windows, tous les systèmes d'exploitation proposent un système de messagerie intégré par défaut. Ces outils s'inscrivent dans un ensemble d'échanges de métadonnées plus large qui conditionne l'utilisation des services de messagerie. Les emails font en effet partie d'un écosystème informationnel dans lesquel les objets (PC, Mac, smartphones sous Android, IPhones, iPads, etc.) réalise une symbiose avec les différents logiciels qu'ils font fonctionner.
Un service de mailing n'est donc que partie prenante d'un ensemble plus large et prétendre à l'indépendance en utilisant une messagerie "libre" est de nos jours impossible. C'est comme se sentir libre parce que l'on a changé la boîte aux lettres tout en dépendant en même temps d'un système de courrier pour recevoir des lettres. On ne peut par conséquent changer un système en ne modifiant qu'une infime partie. C'est exactement le même problème auquel doit faire faire Huawei avec ses ordinateurs. Les représentants de la marque parlent de liberté, d'indépendance et d'autonomie voire d'éco-système alors que leurs PC fonctionnent toujours avec Windows.
Les démarches de Mailo et des autres start-ups sont nobles, ne me méprenez pas. Ce n'est pas pour rien que Mailo reçoit l'appui et le soutien dont l'entreprise a besoin de la part de Tech France, un éco-système de startups qui entend développer des systèmes informatiques de taille internationale. Mais la quête d'indépendance passera par le développement d'un véritable système d'exploitation. La question est là et nous ne savons pas si le retard accumulé dans ce domaine finira par empêcher l'essor d'une vraie proposition française ou européenne.
Je crois personnellement que la construction d'un système d'exploitation est une aventure comparable aux efforts réalisés au quotidien par des fleurons de l'industrie européenne comme Airbus par exemple. Seule une entreprise européenne de cette taille est capable de rivaliser avec les géants du net sur le marché des système d'exploitation. Il s'agit de ce fait d'un projet industriel et politique. Multiplier les nouvelles messageries n'a de sens que si l'on progresse dans la quête d'indépendance au niveau des systèmes d'exploitation. Le pari est donc immense. Mais le cas d'Airbus peut servir de modèle. Sinon on reste à des déclarations de principe.
Que pensez-vous des offres de messagerie de type Mailo ? Pourquoi cette question est-elle si importante pour l'avenir ? Laissez-nous votre commentaire.
Je suis d'accord que ne changer que de messagerie ne suffit pas. Mais c'est déjà un pas vers l'objectif d'indépendance, les petits ruisseaux font les grandes rivières.
L'habit ne fait pas le moine et on n'a pas besoin de solution homéopathique, mais de solution active comme Proton mail.
(Beaucoup) mieux que Protonmail : Infomaniak
Petite erreur, sur le site de Mailo, il est bien mentionné que la version gratuite est avec bannières publicitaires comme on le voit sur l'illustration.
C'est changé. Merci d'avoir signalé le problème.
J'ai pris Mailo, mais la récupération des mails Gmail ne marche pas... en Transfert depuis ce matin...
Est-ce terminé aujourd'hui ? Du coup, j'hésite.
Article fort intéressant..
" Maintenant si on regarde de plus près, ce n'est pas de Gmail dont on parle mais du système d'exploitation. Que ce soit macOS, Android ou Windows, tous les systèmes d'exploitation proposent un système de messagerie intégré par défaut. "
Comprends pas de quoi vous parlez, mais sur Android Stock avec Motorola ou avec Android One avec Nokia, deux appareils que j'utilise , le seul service mail préinstallé justement c'est Gmail et c'est le cas sur les Google Pixel, tous les nouveaux Sony Xperia aussi depuis le fermeture de l'App mail de Sony.