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Loi Avia: L'obligation de retrait en 24 heures censurée par le Conseil constitutionnel

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© Conseil Constitutionnel

La disposition-phare de la loi Avia contre la haine en ligne a été censurée par le Conseil constitutionnel ce jeudi 18 juin. 

Pour les membres du Conseil constitutionnel, l'obligation de retirer en 24 heures les contenus illégaux imposée aux réseaux sociaux n'était pas compatible avec la liberté d’expression. "Un château de cartes qui s'effondre", ont écrit nos confrères de Numerama. 

En effet, la censure, bien que partielle, raye de l'équation la mesure au cœur du dispositif porté par la députée Laetitia Avia (LRM). Cette disposition était aussi l'aspect le plus contesté par les opposants à cette loi. 

Tout le volet répressif de la loi écarté

Pour le Conseil constitutionnel, ce délai de 24 heures est beaucoup trop court, surtout s’il est associé à une menace de sanction pénale. Une pression mise sur les opérateurs de plateforme qui n'aurait pu que les "inciter [...] à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu’ils soient ou non manifestement illicites."

Un forcing à la modération en masse sans se soucier de l'effectivité du caractère illégal tout ça our avoir la paix par peur de sanctions ou de se s'enliser dans un procès interminable. Un syndrôme "antibiotique" que Youtube connaît déjà, dans un autre registre, en démonétisant en masse ses créateurs afin de rassurer ses annonceurs. 

Le Conseil constitutionnel pointe notamment le fait que les réseaux sociaux étaient, selon la loi, censés se prononcer sur la simple base d’un signalement d’un de leurs utilisateurs, sans l’intervention d’une autorité extérieure comme un juge.

Une logique potentiellement néfaste pour la liberté d'expression puisque des propos critiques, discutables ou controversés risquent eux aussi de se faire censurer, s’ils sont l’objet d’un signalement, alors même qu’ils sont admissibles. 

La loi Avia ne s'effondre pas totalement

C’est donc l’ensemble du volet répressif de la loi qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. Une autre obligation était imposée aux réseaux sociaux de supprimer en une heure tout contenu pédopornographique ou terroriste qui leur serait signalé par les autorités.

Le Conseil constitutionnel a considéré que cette qualification était "soumise à la seule appréciation de l’administration" et que le délai d’une heure était là encore trop court pour permettre une intervention judiciaire et donc contraire à la liberté d'expression (pour les mêmes raisons évoquées plus haut). 

Mais il reste toujours le volet préventif. Ce dernier consiste à imposer aux plates-formes de simples obligations de moyens, et non de résultat dont l'application est confiée au CSA. En gros on dresse des objectifs à atteindre mais on ne sanctionne pas les plateformes si elles ne les atteignent pas. 

Il s'agit entre autres de proposer un mécanisme de signalement des contenus, d'être transparent sur l’activité de modération, le nombre de contenus retirés, le délai, le motif, le taux d’erreur,... 

La loi Avia ne s'effondre donc pas totalement mais elle part la quasi-totalité de sa meilleure, et seule véritable, arme pour forcer les plateformes en ligne à durcir leur politique de modération. 

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Antoine Engels

Antoine Engels
Rédacteur

Ceinture noire en lecture de fiche technique. Fanboy OnePlus en rémission. Temps de lecture moyen pour mes articles: 48 minutes. Fact-checkeur de bons plans tech à mes heures perdues. Déteste parler de lui-même à la troisième personne. Aurait aimé être journaliste JV dans une autre vie. Ne comprend pas l'ironie. Responsable du contenu éditorial pour nextpit France.

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  • 40
    Pardayec 19 juin 2020 Lien du commentaire

    C'est rassurant de constater que l'Etat de droit fonctionne encore parfois et que des institutions comme le Conseil Constitutionnel en France ou la Cour suprême aux Etats-Unis continuent de protéger les citoyens contre des décisions absurdes et/ou liberticides prises par des gouvernants incompétents et/ou irresponsables. De fait, la loi Avia était un projet bâclé, mal foutu, inapplicable et susceptible de porter atteinte à la liberté d'expression.
    Ceci étant dit, je pense qu'on a tort de se féliciter simplement du fait que la loi est supprimée car on en reste du coup à un vide juridique qui n'est plus supportable et qu'il faut combler au plus vite. Faute de loi adaptée à nos sociétés ultra-connectées à l'ère d'Internet, on en reste au droit antérieur qui est la loi de la liberté de la presse de 1881, laquelle continue de régir les publications des médias, y compris les médias sociaux. Qui peut croire qu'une loi qui a 140 ans d'existence est appropriée pour réguler les contenus diffusés à grande échelle dans le monde d'aujourd'hui ?
    Pour rappel, la loi Avia avait vocation à encadrer sur les plateformes numériques les contenus pédopornographiques, le revenge porn, les appels au terrorisme, les diffamations, les insultes ouvertement racistes ou sexistes...des phénomènes qui existent à grande échelle et dont on conviendra qu'ils ne relèvent pas de la liberté d'expression dès lors qu'ils nuisent aux libertés d'autrui. Je ne défends pas la liberté d'expression d'un individu qui traite une fille de "sale pute" parce qu'elle publie une photo avec une jupe au dessus des genoux, ou celle d'un autre qui qualifie de "singe dégénéré" un internaute noir qui se montre en vidéo sur le Net... Les dispositions actuelles et le fonctionnement de la justice ne permettent pas d'endiguer correctement tout un tas de dérives : D'abord, parce que les auteurs savent protéger, à coups de VPN, proxys et autres dispositifs techniques, leur anonymat, d'autre part parce que les procédures judiciaires sont trop lentes et trop rigides pour faire face à des situations où la vitesse de circulation de l'information rend caduque toute possibilité de réparation en cas de préjudice. Les chambres spécialisées en charge de ces questions sont complètement débordées; Si vous engagez une action contre quelqu’un pour diffamation, il faut attendre au moins un an pour avoir une audience. Mais le message lui, reste en ligne et le mal est fait depuis longtemps… En outre, il y a des délais de prescription absurdes, par exemple 3 mois dans le cas de la poursuite d'un individu pour diffamation.
    Bref, il faudra bien que de nouvelles lois émergent pour réguler un peu tout ce bordel et, pour ma part, j'espère que des gens plus compétents que Laetitia Avia y mettront un jour un peu d'ordre. Se satisfaire de la situation actuelle est aussi absurde que de défendre des projets de loi outrageusement liberticides...

    louis hory


    • louis hory 74
      louis hory 22 juin 2020 Lien du commentaire

      Bien d'accord.
      Mais pourtant depuis de longues années, des juristes spécialisés dans le domaine numérique avaient prévenu des dangers inhérents aux pratiques frauduleuses déjà répertoriées.
      Tout simplement, le fonctionnement habituel de la société (citoyens lambda comme les juridictions les plus ordinaires) est très éloigné de ce type de problème et ne sait pas et n'a pas pu s'emparer du problème.

      Ah ce nouveau monde... comme il ressemble étrangement à l'ancien 😉


  • Konsau 23
    Konsau 19 juin 2020 Lien du commentaire

    Saluons cette victoire, il y en a malheureusement tellement peu dans ces luttes du pot de fer contre le pot de terre.


  • Jerome69Paris 59
    Jerome69Paris 18 juin 2020 Lien du commentaire

    Voilà une bonne chose 👍 Heureusement qu'il reste encore des instances qui peuvent contrecarrer les plans de nos tarés de dirigeants qui auraient largement pu faire carrière en ex-URSS.

    louis hory


    • louis hory 74
      louis hory 19 juin 2020 Lien du commentaire

      Et dire que c'est un groupe conservateur à l'Assemblée nationale qui est le plus opposé à ce type de loi...
      Évidemment, je préfère mettre en avant "La Quadrature du Net" qui s'est vaillamment battue pour faire tomber ce type de projet insensé.

      Jerome69Paris


  • louis hory 74
    louis hory 18 juin 2020 Lien du commentaire

    Ce n'est pas seulement le volet "modération d'emblée par précaution" qui pose problème même si c'est le plus facile à identifier, c'est, à mon idée et à bien d'autres juristes et spécialistes des médias numériques, l'abandon de souveraineté que représente la délégation de pouvoir aux plateformes pour désigner et sanctionner ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas.
    Imaginer laisser à des entreprises privées dont l'intérêt primordial est le profit le soin de juger le fautif ou le criminel de ce qui ne l'est pas est un signe supplémentaire d'abandon de pouvoir et justement à une époque où le doute est déjà bien souligné dans ce manque d'assurance.

    J'avais, à plusieurs reprises, demander que l'on parle du sujet de cette loi Avia... il est sorti par la "petite porte" mais il rentre à nouveau par la fenêtre !

    Jerome69Paris

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